Dystopie positive et renouvelable

 


"La condition de la démocratie, c'est qu'on ait une utilisation de l'énergie cohérente avec son époque."

Dans la formidable rubrique "Autrement" du magazine TELERAMA (numéro paru en octobre 2023) signé Vincent REMY, le physicien Harry BERNAS, directeur de recherches au CNRS, explique pourquoi il est urgent d'arrêter de voir le futur par le nucléaire pour imaginer de toute urgence d'autres futurs.

Car la question ne se pose plus de savoir si on est pour ou contre le nucléaire. Ce qu'il nous faut, c'est une réponse énergétique en phase avec notre époque et l'avenir qui nous attend, en tenant compte de tous les paramètres (réchauffement climatique, risque de conflits faisant des centrales nucléaires des cibles prioritaires, durabilité des réacteurs...). Et celle-ci est sans équivoque: le nucléaire n'est pas l'avenir de l'Homme.

"Depuis quarante ans, on multiplie les barrières de confinement et les procédures de sauvegarde. Mais le danger initial est toujours présent. Le Low Water Reactor (LWR) reste une technologie immature et ne méritait nullement de prendre toute la place. "

Pour le physicien, voilà 60 ans que le système est perdant et abouti à des centrales de plus en plus coûteuses. aux USA, des réacteurs sont arrêtés parce qu'ils ne sont pas rentables. Quant aux EPR français, conçus dans les années 1990, très peu opérationnels, ils relèvent à ses yeux d'une "catastrophe industrielle". Pour exemple, celui de Flamanville en Normandie, lancé en 2007 : douze ans de retard, un coût multiplié par dix, et une prochaine mise en route, veillée comme le lait sur le feu.

Les mini-réacteurs Small Modulas Reactors (SMR) vantés par Emmanuel Macron ne sont certainement pas la solution. Ils sont nés au début des années 2000 de la volonté du lobby du nucléaire international de relancer la filière. "Mais on est loin de la modernité promise : La France va se retrouver avec le réacteur à eau légère du sous-marin américain de 1957!"

Le taux de fonctionnement des réacteurs français ne cesse de diminuer. On ignore l'état réel des cuves soumises à un bombardement des neutrons et des cycles thermiques sur une période qui va au-delà de quarante ans. "ajoutons à cela qu'il reste à La Hague moins de quatre années de stockage des déchets."

Le nucléaire, chimère de l'énergie électrique du futur

Harry BERNAS souligne le fait qu'EDF, géré comme une société de service privé, a cependant des responsabilités envers la nation. En toute objectivité, avec le réchauffement climatique, on ne peut pas se permettre de reprendre une technologie vieille de soixante-dix ans qui nécessite cent mille travailleurs du nucléaire (que nous n'avons pas) au service de réacteurs. C'est une perte de temps et d'investissement colossale. "C'est irréaliste au regard de nos urgences climatiques. (...) Pendant ce temps, on ne prend pas les mesures d'économie nécessaires dans tous les secteurs, et on traine sur le renouvelable qui a pourtant des capacités d'amélioration plus rapide que le nucléaire." 



Le renouvelable, ou la vie

Le physicien préconise d'embaucher des milliers de jeunes ingénieurs pour développer rapidement les énergies renouvelables, maintenir les réacteurs en état de fonctionnement dans les années qui viennent, puis pour les démanteler pendant trente ans.
Oui. Cela leur prendra des années.
Parce qu'on n'y arrive pas.
Nous n'avons pas encore inventé les technologies adaptées. 
Ce sera leur lourde tâche.

"Les jeunes doivent être appelés à travailler à la sobriété énergétique, aux nouveaux modes d'énergie, beaucoup moins couteux et plus rapides à mettre en oeuvre. Ne perdons pas de temps."

En 2224, dans Obsolète, j'imagine que nous avons suivi les recommandations d'Harry BERNAS. Que nous avons été assez futés pour développer toutes les solutions renouvelables déjà existantes mais aussi pour en découvrir d'autres. 

Dystopie, certes, mais positive et renouvelable.