Retour de lectrice : Obsolète, un grand monde imaginé

 



« Les rides sont le privilège de la vieillesse, et la vieillesse le privilège des hommes. »
 
Voici la citation choisie par Bénédicte Junger, membre du jury 2024 du grand Prix des lectrices ELLE,  pour entamer la présentation d'Obsolète sur un post Instagram. La suite de son retour de lecture méritait de figurer ici, tant parce qu'elle en fait un résumé intéressant mais aussi une synthèse et une analyse fine.


RETOUR DE LECTURE DE BENEDICTE

Sophie Loubière a un don indéniable pour raconter des histoires, pour entrainer son lecteur au cœur d’une intrigue aux codes particuliers et lui faire prendre conscience des inégalités de traitement liées au sexe. 

Roman noir, social, d’anticipation empruntant les codes au roman policier, Obsolète raconte à la manière de La servante écarlate l’instrumentalisation des femmes sur fond d’effondrement écologique. 

En effet, passés 50 ans, les femmes deviennent des poids pour la société et reçoivent inévitablement une lettre leur annonçant leur « Grand Recyclage » qui les amène non seulement à quitter leur famille mais aussi à trouver une mère de substitution à leurs enfants et une nouvelle épouse à leur mari. Il faut effectivement augmenter la démographie tout en composant avec les hommes devenus minoritaires.

La réécriture d’une nouvelle histoire en 2224 passe aussi par une redécouverte du passé (notre temps actuel) qui relève consciencieusement toutes les hérésies de surconsommation, de pollution et de non-respect du vivant.

Élément marquant de ce roman, chaque personne est équipée dès l’adolescence d’un bracelet connecté diffuseur d’hormones pour réguler les émotions et annihiler d’une certaine façon, toute forme de réflexion personnelle ou de désobéissance. La manipulation des foules est donc enclenchée. 
On relève aussi tout un développement sur le besoin de mythes, d’idoles. 
La quête de sens devient essentielle pour les populations malgré ou grâce à un ordonnancement quasi militaire.

Grand roman féministe foisonnant, inclassable et plein de classe littéraire, Obsolète questionne, bouscule, mais laisse surtout une incroyable trace dans notre chemin de lecteur.
J’ai beaucoup aimé le style incisif, l’attention apportée aux concepts et aux mots, ce grand monde imaginé qui fait que l’on se projette à 200% dans ce roman d’anticipation.